L'Union fait la Force PART 2

Lune du Firmament cheminait d'un pas tranquille et assuré sous l'ombre de la Montagne Insaisissable. Le museau tourné vers la Montagne Endormie, il huma l'air à pleins poumons pour se gorger des effluves du Temps qui environnaient les environs et se donner du courage, tout en apaisant son manque ; il n'avait pas quitté sa Meute aussi longtemps depuis qu'il était devenu Lieutenant, encore plus depuis qu'il était Chef. Avant, quand il ne ployait pas sous toutes ces charges, il appréciait une relative solitude ; aujourd'hui, elle n'excédait pas plus de deux nuits dans sa Tanière connue des membres de sa Meute.

Il avait spécifiquement indiqué à ses Loups qu'ils devaient rester sur leur territoire et qu'aucun d'entre eux ne devait prendre le risque de rejoindre l'expédition qui s'en allait chasser les coyotes. La Meute du Temps était pourtant la première concernée par le problème car leurs territoires étaient mitoyens. Le grand Loup gris avait donc pris le parti de poster ses plus puissants Guerriers à la frontière septentrionale, au cas où quelque chose tournerait mal, et leur avait rappelé que leur Sœur la montagne prendrait toujours leur parti, qu'ils ne devraient jamais hésiter à se servir de ses dangers contre leurs ennemis.

La veille, il avait été soulagé de voir que les partisans d'une action modérée étaient plus nombreux que les va-en-guerres et que même Lune Infernale s'était rangé à son avis, s'apercevant de sa sagesse et sa dose suffisante d'agressivité. Lune du Firmament n'en avait pas été si surpris que cela. Rassuré, il va s'en dire, mais pas choqué. Son voisin ne lui avait jamais fait l'impression d'être une brute sans cervelle, bien au contraire, et il se réjouissait de le voir toujours autant disposé à maintenir la paix entre les Meutes et la cordialité de leurs rapports.

Il restait cependant des points à éclaircir avant de poser leurs pattes sur la Montagne Insaisissable. Ralentissant sa foulée, il se rapprocha de son comparse Alpha qu'il salua d'un mouvement de la tête.

- Je pense que tu devrais être celui qui défiera le chef des coyotes, Lune Infernale. Au combat, je reconnais ta prééminence en terme de force brute et de gabarit impressionnant.

Il ne remettait pas en cause ses propres capacités mais ne songeait pas que sa ruse et son agilité soient aussi impressionnantes pour marquer les esprits que la carrure imposante de l'autre Loup.

- Toi, puis Mélancolie Éphémère. Elle n'a peut-être pas l'aura qui va avec les responsabilités d'un Alpha mais elle a le combat ancré dans l'âme. Quant à Solstice d'Hiver et Lueur du Soir, je les pense aptes à berner les coyotes dans l'ombre.

Et qu'en était-il de lui ? Attaquer de front ou rejoindre les ruses de la pénombre ? Il ne savait trop. Quoique... il craignait que déséquilibrer leur groupe en faveur de la partie qui ne devait pas être découverte ne serait qu'un facteur amoindrissant leur discrétion.

- Je me battrais à vos côtés, finit-il donc dans un murmure contrôlé. Il se désolait d'en arriver à une telle extrémité - il s'agissait tout de même de duels à mort, ce qui n'était pas dans ses habitudes, ni dans sa nature - mais il savait qu'ils n'avaient pas le choix s'ils voulaient éviter un véritable bain de sang. Quel hypocrite serait-il de se refuser, par égard pour sa sentimentalité, ce qu'il demandait à d'autres ? Oh non... il n'y avait plus aucun doute dans sa voix, il avait suffisamment pesé les pours et les contres.

Après ce débat entre les différents membres de l'expédition, nous sommes finalement partis pour la Montagne Insaisissable. Nous avançons vite et en silence. Cela tranche avec les prises de paroles de chacun aux Rochers aux Loups. J'observe ce calme tranquillement, appréciant cette marche sans un bruit. Bientôt, nous allons faire face aux coyotes. Au vu des dernières conclusions, le sang va couler. Ne souhaitant pas y penser, je profite de la vue incroyable de l'endroit. La neige immaculée rend le paysage magique.

Le jeune loup de la Meute de la Terre s'approche alors, laissant les alpha entre eux. La louve de la Meute du Feu a dû partir, ce qui est bien dommage pour elle. Elle avait l'air déterminée à venir. D'après ce que j'ai pu voir, elle n'est pas prête à louper une occasion de faire couler du sang. Voilà pourquoi je sais qu'elle reviendra. Cela serait bien trop décevant pour elle de rester avec les autres. J'écoute les paroles de mon confrère, amusé.

- Notre territoire est recouvert de points d'eau. En cette saison, on trouve plus facilement du poisson que des proies terrestres. Forcément, cela amène à aimer le poisson.

Ma curiosité commence alors à me piquer. Je me demande comment font les loups quand ils ne peuvent pas pêcher.

- En revanche, je sais que les terres de ta meute ne possèdent que peu de zones humides. Comment faites-vous en ce moment ?

J'indique la neige d'une mouvement de tête au moment de poser ma question. C'est vrai, ça. Si nous ne mangions que des proies à poils et à pattes, une partie d'entre nous serait tellement affaiblie que cela serait dangereux. Cette saison est toujours dure à passer, mais j'imagine mal ce que cela donne sans poissons. C'est à eux que nous devons notre survie ! Mais j'y pense, peut-être pense-t-il à l'inverse de la meute de l'eau ? Dans ce cas, nous devons être de bien piètres chasseurs. Eux, en contrepartie, doivent être mauvais pêcheurs, avec si peu d'endroits pour s'exercer. Cela pourrait être amusant de faire un concours entre chasse et pêche. Qui est le vainqueur, entre ces deux disciplines ?

Le membre 'Solstice d'Hiver' a effectué l'action suivante : Le Destin

---

'Chasse ► Petite proi' :

Le jeune Chef écouta attentivement son comparse puis hocha solennellement la tête pour marquer son assentiment. Il ne laisserait pas un seul coyote prendre à revers Lune Infernale, devra-t-il en tuer des dizaines pour tenir sa parole. Il n'était plus temps des hésitations, il n'en ferait montre d'aucune maintenant que sa décision était prise.

Il n'aima pas spécialement l'arrêt qu'ils firent à la tombée de la nuit. Ils étaient des Loups, par tous les astres et Dame Lune ! Des enfants de la nuit, plus efficaces dans la pénombre qu'en pleine journée. Perdu dans ses pensées, il n'avait pas prévu qu'ils s'arrêteraient pour se reposer alors que le crépuscule étendait sur eux son manteau propice.

- Nous aurions dû faire halte plus tôt, marmonna-t-il, plus pour lui-même qu'en direction de Lune Infernale. Il le quitta pour sauter souplement sur un promontoire afin de surveiller les alentours, ses oreilles attentives s'agitant dans tous les sens ; il craignait que le territoire des coyotes ne se soit encore agrandi depuis les dernières reconnaissances de sa meute.

Lune du Firmament pestait intérieurement contre sa propre bêtise. Son imprudence. Comment en était-il arrivé à oublier sa très chère prudence ? Sans doute que mener des Loups n'appartenant pas à sa meute en était responsable. Les siens se seraient calqués sur ses habitudes sans qu'il ait à formuler ses pensées. Ce n'était donc pas de la folie mais un manque flagrant d'habitude. Il ne referait plus cette erreur à l'avenir.

Un mouvement dans les buissons attira son regard. Il se força à ne pas bouger, à faire mine de rien, si ce ne fut qu'il décala un petit caillou en changeant sa patte de place. Le caillou glissa en direction des autres Loups. Il espérait que cela attirerait leur attention.

Ce fut alors que Solstice d'Hiver déboula au sein de leur petite troupe, boule de poils de stress et d'angoisse ; Lune du Firmament grogna, les babines grimaçantes. Autant pour paraître ne s'être rendu de compte de rien. Il se redressa et descendit du promontoire.

- Il était dangereux d'aller chasser une autre proie sur un chemin de chasse.

Dépassant le jeune Loup, il rejoignit Lune Infernale en humant l'air... avant de gronder.

- Malins. Le vent est contre nous.

Voilà qui expliquait pourquoi ils ne les avaient pas senti arriver avec plus de force.

- Je crois bien qu'ils nous entourent. Mais ce serait une folie que de nous attaquer de front. Nous pourrions peut-être essayer d'être plus malins qu'eux... comme demander à parler avec leur Chef, attirer toute leur attention sur nous, tandis que nos deux autres amis se glissent entre leurs rangs pour accomplir notre plan comme prévu.