Coeur Voyageur - Fratrie

Physique

Cœur Voyageur est, en toute honnêteté, un beau Loup. Il n'est pourtant pas très grand ni très massif mais son corps est équilibré en tout. Ses muscles sont puissants tout en roulant en délicatesse sous son poil brillant. Ses pattes sont assez robustes pour de longues marches et suffisamment délicates pour un déplacement silencieux. Selon les saisons, sa fourrure est plus ou moins fournie et il n'a jamais trop chaud ou trop froid. Comme il n'apprécie que moyennement la saleté, il peut passer de longues heures à entretenir son poil. Doux et lustré, il l'aime ainsi, même si cela lui demande un sacré travail lors de ses pérégrinations. Cette fourrure est composée d'un savant mélange de gris et de blanc qui se marrie en douceur sur l'intégralité de son corps avec, par-ci par-là, notamment sur le dessus des oreilles, de délicates notes d'ocre et de terre. Ses yeux ne sont pas percutants. Ils rappellent un soleil réchauffant le poil lors d'un hiver que la neige a fui, ni trop éclatant ni trop discret. Tout en son visage donne une impression de douceur qui attire les autres à lui : il ne semble ni méchant ni retors et inspire la confiance au premier regard.

Parfois, lors l'envie lui prend, il se confectionne des parures de feuilles, de bois et d'autres éléments que Mère Nature veut bien lui offrir. Elles lui donnent l'air important et attirent les regards. Quoi de mieux pour commencer une histoire ? C'est que Cœur Voyageur aime narrer ses nombreuses aventures, réelles ou inventées, respectueuses de la vérité ou enjolivées, et encore plus les illustrer en jouant tous les rôles, le sien, celui du Loup héros, tout comme celui de l'Autre, ennemi, ami ou mystère. Alors, lorsqu'il raconte l'histoire de l'élan blanc de la Lune, celle qu'il préfère entre toutes, il revêt bien évidemment des cornes sur son front. Il se gonfle, il se grandit, il fait l'intéressant et le pitre, et en face de lui, tous les Loups jappent de rire ou restent à le fixer avec de grands yeux. Et lui continue de parader et d'amplifier son jeu pour qu'ils ne cessent jamais de le regarder ; il aime tellement ça.

C'est donc un beau Loup. Il le sait et il en joue : en tant qu'éclaireur, c'est bien souvent lui qui rencontre le premier de nouvelles têtes et il a à cœur de faire bonne impression. Pour introduire son frère aîné, notamment, en auréolant sa description de Promesse Éphémère d'une aura de mystère qui pose les bases de la sensation de respect que son aîné dégage sans s'en rendre compte. Mais il possède aussi dans l'affaire ses propres intérêts. Il a deux frères, qu'il aime et ne laisserait jamais tomber, mais il ne compte pas pour autant leur laisser les jolies Louves qu'ils rencontrent sur le chemin. C'est en premier pour elles, pour qu'elles s'intéressent à lui et ravissent son cœur de la mélodie de leurs jappements amusés, qu'il se met en scène.

Caractère

Ce qui définit sans doute le mieux Cœur Voyageur est son insatiable soif d'aventures ou de nouveautés. Sa curiosité dépasse tout le reste de son caractère, et de loin. Qu'importe ce qu'il fasse, à qui il parle, si quelque chose attire son attention, il laissera tout en plan, sans aucune hésitation, pour traîner là-bas ses pattes et voir ce qu'il en retourne de ses propres yeux. C'est un Loup qui ne tient pas en place. Jamais. Il se demande même s'il sera un jour capable de s'arrêter de marcher, de se poser quelque part, de délimiter son propre territoire et d'y fonder une famille. Il aime trop découvrir de nouveaux lieux. Pour lui, la frontière n'a aucun sens. Ce n'est même pas de l'irrespect que de la franchir puisqu'il n'arrive pas à concevoir que des Loups voudraient s'enfermer eux-mêmes dans un espace délimité. La notion de sécurité lui ait étrangère dans l'affaire. Il aime aussi la sensation d'adrénaline que le danger envoie dans son sang.

Alors son rôle d'éclaireur lui va comme une seconde peau. Et s'il ne répugne pas à ignorer les signes de possession des autres animaux, il ne fonce pas pour autant dans la gueule de Loups peu accueillants. C'est qu'il n'est pas idiot ou inconscient, loin de là. Cœur Voyageur a pour lui l'intelligence rusée du renard et le pas de velours du lynx. Durant ses nombreuses aventures, il a longuement observé l'un et l'autre pour acquérir auprès d'eux leurs compétences. Il est intrépide, ah ça oui ! Il ira escalader une paroi escarpée ou nager dans des eaux profondes rien que pour satisfaire sa curiosité mais il le fera avec une astuce en tête pour se sortir du pétrin s'il le fallait ; il ne veut pas mourir, pas tout de suite, pas encore. C'est la seule chose qui peut le rendre méfiant. Il n'est ni téméraire ni insouciant.

Son énergie est sans limite. Il est toujours à parcourir le monde par vaux et par monts, sans jamais s'en lasser. Et parfois, il laisse derrière lui sa fratrie, lasse de marcher, pour aller farfouiller en solitaire. Ni ses frères ni ses sœurs ne s'inquiètent réellement de ne pas le voir revenir ; il ne partirait jamais sans eux. S'il erre au gré de ses envies, il apprécie tout autant les moments passés avec sa famille et ne compte pas se séparer d'elle de sitôt. S'ils s'inquiètent, c'est surtout parce qu'il se met trop souvent dans une situation dangereuse. Danse Boréale ne cesse d'essayer de le mettre en garde mais il ne l'écoute que d'une oreille ou répond par des crocs plus ou moins amicaux. Des chamailleries en frère et soeur qui ne pèsent jamais longtemps dans son esprit. Et au pire, s'il rentrait blessé, il y aurait toujours Voile du Crépuscule pour le soigner. Il a toute confiance en elle.

Son autre passion concerne les histoires. C'est qu'avec ses nombreuses pérégrinations, il a vu de nombreuses choses que beaucoup de Loups n'ont même pas l'idée. Animaux étranges. Deux-Pattes effrayants. Paysages impressionnants. Evénements mystérieux. Ses yeux ont vu de tout cela et il s'émerveille encore de l'inconnu que le monde a encore à lui offrir. Cet amour des contes le rapproche de son frère cadet, Esprit Révolu. Il apprécie tout autant l'écouter encore et encore raconter ses histoires que mettre en scène les siennes. Son frère est souvent le premier à jouir de ses nouveaux spectacles ; c'est Promesse Éphémère qui a droit au compte-rendu sommairement raconté. Son éloquence est reconnue par tous ses spectateurs : il les happe dans sa voix et les amène dans les contrées lointaines et mystérieuses qu'il narre avec grands renforts d'effets et d'enjolivements.

Malgré ce caractère un peu centré sur lui, car ce Loup cabotine à longueur de journée lorsqu'il est en présence de nouveaux museaux, surtout ceux de femelles, Cœur Voyageur n'est pas égoïste. Il est au contraire serviable et ne rechigne jamais à aider sa famille ou un animal en danger, pas forcément un Loup (une proie, ça se discute, mais il peut le faire lorsqu'il n'a pas faim, ça serait gaspiller de la viande). L'aide qu'il apporte lui fait plaisir et en contrepartie, il peut faire encore plus de rencontres qui donnent naissance à de nouvelles histoires.

Histoire

« Vous êtes bien assis ? Prenez le temps de vous poser à votre aise. Ne faites pas souffrir vos pattes de votre poids. Attention à votre queue, voyons, vous marchez dessus. Allez, je vous laisse encore un petit moment. Une fois que j'aurais commencé, vous ne pourrez plus bouger, vous ne pourrez plus partir, vous ne pourrez plus vous détacher de mes mots et de l'histoire que je vais faire vivre devant vos yeux ébahis.

C'est bon, tout le monde est bien installé ? Bien. Je vais donc commencer, ouvrez grandes vos oreilles et tournez vers moi vos museaux.

Je m'appelle Cœur Voyageur et je viens de Nulle Part. C'est le nom que vous donnez au pays par-delà la Caverne Sans Fond mais c'est aussi un très bon nom pour parler de nos origines, à ma fratrie et moi. Il n'est pas important de savoir d'où nous venons exactement. Ce n'est pas intéressant. Laissez-moi plutôt vous parler des lieux que nous avons visité, des créatures que nous avons rencontré, des dangers que nous avons affronté lors de toutes ces saisons où nos pattes nous ont menés par vaux et par monts.

Je m'appelle Cœur Voyageur et je vous propose de vous conter la plus formidable des histoires que vous n'ayez jamais entendue... jusqu'à la prochaine que je déclamerai devant vous.

Ah ! Vous jappez de rire, mes amis ? Attendez d'ouïr le récit effrayant des Deux-Pattes armés de bâtons-de-feu, du grand élan blanc de la Lune qui habite au Grand Nord où l'hiver est sans fin et la nuit souveraine, des Loups au pelage tacheté du Sud désertique et de bien d'autres êtres étranges. J'ai votre attention, maintenant, je le vois aux étoiles dans les yeux. Et des étoiles, j'en ai vu d'innombrables. Tant et tant que je sais qu'elles ne sont pas les mêmes partout sur cette terre, ce qui ne m'a guère étonné ; elles sont les âmes de nos ancêtres. Mais de cela, mon aîné, Promesse Éphémère, pourrait vous en parler plus amplement que moi, même si je dois avouer que sa voix est moins jolie que la mienne.

Alors arrêtez de gigoter et écoutez mon histoire. C'est le récit des nombreux voyages de ma fratrie. Nous sommes cinq, trois Loups et deux Louves ; Promesse Éphémère, moi-même, le beau Cœur Voyageur, Danse Boréale, Voile du Crépuscule et Esprit Révolu. Nous sommes nés sans ombrage pour entacher la joie de nos parents et notre enfance fut des plus douces. Ce fut un temps de bonheur insouciant où notre mère nous berça de ses contes et notre père nous apprit les arts du combat et de la chasse. Puis vint le temps où les Louvards que nous étions devenus, après deux saisons de félicité sans ombre, furent assez grands pour quitter le cocon parental. Nous ne fûmes pas chassés, nous partîmes de notre plein gré.

Qui n'a jamais eu envie de découvrir le monde ? De vaquer par monts et par vaux ? D'aller visiter le Grand Nord et le Sud désertique ? Pas vous, mes amis ? Non, je le conçois, vous habitez une terre merveilleuse où il n'y a des Deux-Pattes nulle part et où ni la place ni le gibier ne manquent aux Loups. C'est une terre pour notre peuple, il va sans dire. Mais elle est fermée, délimitée, terminée. Comment pouvez-vous ne pas être curieux de ce qu'il y a au-delà des montagnes et de la Grande Eau ? Ah ! Vous l'êtes un peu. Si, si, vos yeux ne mentent pas. Cœur Voyageur connaît ces regards. N'ayez crainte, je ne dirais rien, ce sera notre petit secret. Et je vais même étancher votre soif curieuse par mon récit alors ne vous inquiétez plus et continuons notre cheminement dans le passé fantastique de nos aventures.

Nous étions donc cinq Loups, frères et sœurs complices, complémentaires en tout. Il n'y a guère de malice ou de haine qui sommeillent en nous, juste quelques chamailleries. Nous sommes forts, unis comme nous sommes. Nous sommes Un plutôt que cinq. Et parmi le Un, Cœur Voyageur est le premier sur le chemin vers l'avant. Alors j'ai découvert bien plus de choses que mes frères et mes sœurs.

Ecoutez-moi, mes amis, entendez mes prouesses.

Nous sommes d'abord monté vers le Grand Nord pour fuir les Deux-Pattes qui se rassemblent dans les contrées du Milieu de la terre car elles sont plus tendres avec tous les animaux qui existent en ce monde ; il y en a aussi au Nord et au Sud, malgré des saisons plus rigoureuses, mais ils sont moins nombreux et plus compréhensibles des lois de Mère Nature que leurs cousins du Milieu. Plus nous montions vers le Nord, plus le froid s'installait autour de nous. Les renards se faisaient blancs, les cerfs disparaissent au profit des élans et des rennes, les aigles laissaient la place aux grandes chouettes tachetées. Et la neige recouvrait petit à petit la moindre parcelle de terre, tout comme la nuit dévorait le ciel.

Car en ces contrées, mes amis, croyez-moi ! En ces contrées lointaines, il n'y a plus ni printemps ni automne ; il n'y a plus que le Grand Froid, qui est là-bas extrêmement douloureux, et le Renouveau où le temps devient plus doux et plus propice à la vie, sans atteindre pour autant la Grande Chaleur des contrées ici-bas. Et durant la moitié de la saison, il n'y a plus de soleil, seulement la Lune, les étoiles et les aurores boréales dont la beauté irréelle a donné son nom à l'une de mes sœurs. Si je vous en parle, c'est que je voudrais vous conter une aventure merveilleuse qui m'est arrivé là-bas, lors d'une nuit de l'Hiver Sans Fin alors que je chassais seul un lapin aussi blanc que la neige qui me mordait les coussinets.

Ce lapin courait vite et bien, il zigzaguait entre les rochers et sa fourrure neigeuse le camouflait dans la poudreuse. Un vent violent, chargé de verglas, s'était levé pour le porter loin de moi et mon museau, quoique doté d'un odorat des plus performants, n'arrivait plus à le localiser ; je le perdis bientôt de vue. Dépité, affamé et désappointé, je m'apprêtais à tourner les pattes pour m'en retourner vers les miens lorsque je vis une silhouette se découper entre les flocons qui tombaient sur nos têtes. C'était là une créature immense, dotée de cors volumineux et d'un corps puissant ; le grand élan blanc de la Lune.

Je vous raconterai plus amplement, si cela vous intéresse, ce qui est le cas, je le vois une nouvelle fois dans vos yeux, cette rencontre une autre fois. Sachez juste que je n'eus jamais à la pensée de le chasser. Je savais inconsciemment que cette créature appartenait aux Mystères, à tous ces êtres liés à la Meute des Etoiles et aux secrets de la Lune qui veille sur le peuple des Loups chaque nuit durant. Tout ce que je fis, ce fut de me gorger de cette fabuleuse vue... et peut-être de suivre cet élan dans moult péripéties, que je vous conterai peut-être un jour. Ou plutôt une nuit : c'est une histoire qui plaît à la Pleine Lune.

Un beau jour, nous quittâmes cependant le Grand Nord pour repartir sur nos traces. Le Milieu ne nous disait encore rien qui vaille donc nous nous y attardâmes pas et nous partîmes pour le Sud désertique. Avez-vous déjà vu un désert ? C'est une étendue sans fin de sable chaud. Le soleil darde sur les animaux des rayons écrasants de chaleur. Mais par-ci, par-là, il y a des oasis de verdure et de d'eau où la vie s'ébat dans une danse langoureuse. J'y ai vu des vaches énormes, des créatures semblables aux cervidés qui s'appellent antilopes, plus petites que nous ou plus grandes que les arbres, des chevaux à rayures et des félins à crinière, entre autres créatures plus étonnantes les unes que les autres.

Les Loups qui vivent là-bas sont étranges à nos yeux. Ils sont bien plus petits que nous et bien plus fins ; on pourrait croire les briser d'un coup de mâchoires. Mais ils sont aussi des coureurs hors pairs et je n'en vainquis aucun à la course. Certains sont de la couleur de l'ocre orangée d'un coucher de soleil alors que d'autres sont tachetés de brun, de noir et de blanc et parlent un langage proche de celui du chien, notre cousin qui nous a trahi pour les Deux-Pattes ; un jour, un autre jour, je vous parlerai aussi du chien.

Nous repartîmes encore une fois en laissant le Sud désertique derrière nous. Encore et toujours sur une nouvelle piste. Nous avons vu par-là un sanglier aussi gros qu'un buffle, les yeux de feu des cataclopes des Deux-Pattes – de ça, aussi, je vous en reparlerai, par-ci des meutes de chiens tirant les traîneaux des Deux-Pattes, ou encore, dans les eaux du Grand Nord, un cousin des baleines portant une corne sur le museau.

Et pour tout cela, je vous assure, je ne mens pas. Nous avons tant et tant voyagé que nous avons vu toutes ces choses de nos propres yeux. J'ai encore tant d'histoires à vous raconter, tant de mes prouesses à vous faire part. Je suis Cœur Voyageur et, comme mon nom l'indique, j'aime voyager, c'est ma philosophie de vie. N'ayez crainte, vous aurez le temps de tout entendre. Mon museau est prolifique et ne se tait jamais très longtemps.

Vous aurez le temps, je vous dis, alors apaisez votre agitation.

Nous sommes ici, en Earth Wolf, désormais ; pour un moment. »