[SUITE] En Silence. ¤ Solstice d'Hiver.

Le regard toujours tourné dans la direction du lieutenant, elle remarque que lui aussi, il l’observe avant de baisser la tête vers le sol, un soupir accompagne son geste. La louve décide de ne pas réagir à son désarroi, Lune Claire possède une oreille attentive, surtout lorsqu’il est question de problèmes et de donner des conseils. Mais pas cette fois. Evidemment, ça n’a rien à voir avec le mâle, c’est juste qu’au vu de la précédente discussion, la meneuse se doute que ses pensées sont principalement tournées vers son futur. Elle a fait de son mieux afin de le rassurer, quelques minutes auparavant. Après qu’il ait hoché la tête, Lune Claire dirige son regard vers les rochers en forme de loups. Lorsqu’elle s’est levée ce matin, elle savait qu’elle ne voulait pas voir, encore une fois, les paysages de son territoire. Lune Claire est une personne qui adore sa Meute ainsi que ses terres mais elle aime encore plus voir d’autres paysages. Il est vrai que ce paysage, qu’elle observe en ce moment même, n’est pas nouveau, elle vient souvent ici pour passer du bon temps. Mais comparé aux terres de l’Eau, elle ne les voit pas tous les jours. Donc ça change et cela lui fait du bien.

- Je ne sais pas si vous avez encore un peu de temps devant vous, mais que diriez vous de partir près du Lac de la Trêve est de chasser un peu ? A deux, avec une peu de chance nous pourrons attraper une biche. J'ai cru apercevoir un troupeau non loin de là ? On pourra se le partager ainsi.

A ses côtés, son compagnon de bavardage se lève et lui propose une chasse. Lune Claire prend le temps d’analyser son offre, afin de voir s’il est possible d’accepter. En soit, la meneuse est très emballée à l’idée de chasser avec un loup qui n’a peut-être pas les mêmes méthodes qu’elle. De plus, cela semble équitable s’ils se partagent la proie et c’est toujours un moment de plus pour faire connaissance avec lui. Visiblement, elle n’est pas la seule à être enjouée à cette idée car son ami, si elle peut l’appeler ainsi, a les yeux pétillants. Sur le moment, elle se demande si elle n’avait pas cette même lueur dans le regard, d’ailleurs.

- Et puis, si vous êtes d'accords, j'aimerai bien observer une chasse de poisson. La seule fois que j'ai pu avoir l’occasion d’attraper du poisson n'avait rien de glorieux rigola t'il. Qu'en dites vous ?

La meneuse hoche la tête sans aucune hésitation. Ils partent, côte à côte, en direction du Lac de la Trêve. Son nom indique plutôt bien “l’amitié” qui s’installe entre les deux canidés. Le temps d’une courte discussion et d’une chasse, ils oublient leurs différentes meutes. C’est agréable, de vivre sans cette frontière. Parfois, la meneuse aimerait effacer ces soi-disant différences car, malgré le fait qu’elle soit meneuse, elle reste persuadée et pour elle, c’est indiscutable : tous les loups d’Earth Wolf, peu importe la Meute dans laquelle ils vivent, sont les mêmes. C’est pour cela et bien d’autres raisons encore, qu’elle n’ose pas imaginer une bataille entre sa Meute et une autre. Elle trouve que cela est stupide, tout simplement.
Les deux loups arrivent donc près de ce fameux Lac et la première chose que fait la meneuse, c’est de regarder au fond de celui-ci pour essayer d’y apercevoir les pierres. Lune Claire ne sait pas si c’est une légende ou autre chose mais, il est dit que lorsque ses pierres à la forme particulières sont visibles, une trêve est faite entre les Meutes. Voilà pourquoi le lac porte ce nom. Elle relève la tête vers Solstice d’Hiver, déçue de ne pas apercevoir le fond du lac mais rapidement, un sourire remplace cet air. Cela ne veut pas dire qu’il faut se faire la guerre pour autant, n’est-ce pas ? Lune Claire annonce au mâle qu’il est préférable de commencer par la pêche. Elle lui montre donc la position du pêcheur : elle s’installe correctement, règle les petits soucis et attend la venue d’une proie. Soudain, dans l’eau, elle voit l’ombre d’un beau poisson. Sans une seule hésitation, la sombre femelle agrandit sa patte et la plonge dans l’eau pour en ressortir sa cible. Elle ne peut s’empêcher de penser à son ancien compagnon, comme à chaque fois qu’elle pose son regard sur des écailles de poisson. Elle chasse cette sombre pensée de son esprit et s’adresse au mâle.

- Tu veux essayer ou on passe directement au troupeau ?

L’ancienne guerrière pense que ce serait amusant de voir un loup ne faisant pas partie de la Meute de l’Eau, essayer de chasser à notre façon. C’est une chose qu’elle demande à voir mais elle comprend totalement s’il ne préfère pas se foutre la honte.

En se tournant vers le lieutenant de la Meute de la Terre, la meneuse au pelage sombre remarque dans les yeux de son collègue, une lueur d’excitation. Un petit sourire amusé s’affiche sur son visage lorsqu’elle s’en aperçoit. La meneuse a l’impression de retourner des saisons en arrière, lorsqu’on lui a attribué son premier apprenti et qu’elle lui apprit la fameuse position qu’elle a exécuté quelques secondes avant de s’adresser au mâle, afin de pêcher des proies aquatiques. La joie qu’elle lit dans le regard du mâle, suite à sa proposition, prouve qu’il souhaite vraiment attraper l’une de ses proies. Après son hochement de tête, Solstice d’Hiver s’approche de l’eau et la sombre sent qu’un rapide coup d’oeil lui est adressé, avant qu’il demande de ne pas se moquer de lui. Elle secoue la tête, ce n’est pas son genre de se moquer des autres. Il est possible qu’elle soit amusée si le jeune lieutenant fait preuve de maladresse, dans ce cas-là, ce sera compliqué pour l’ancienne guerrière de retenir un rire. Comme elle l’avait fait plusieurs minutes auparavant, Solstice d’Hiver se met en position de pêcheur et attend l’arrivée d’une proie. Tout comme lui, la femelle aperçoit une ombre au fond de l’eau, alors, le mâle n’hésite pas une seule seconde et il plonge sa patte au fond du Lac. Le canidé sort sa patte de l’eau, accompagné de quelque chose que la femelle reconnaît directement : le lieutenant de la Terre vient de pêcher un poisson ! Il se tourne vers elle, un sentiment bien plus supérieur à la joie se lit dans ses yeux. Il est vraiment heureux d’avoir réussi à attraper ce poisson et il faut croire que son sourire est contagieux car rapidement, c’est au tour de la meneuse de se mettre à sourire. Il la remercie et court près de sa proie, Lune Claire n’arrive pas à savoir s’il est intrigué par cette nouvelle nourriture ou s’il veut juste sentir son odeur ? Pour être franche, elle se demande même si ce n’est pas la première fois que son nouvel ami voit un poisson hors de l’eau, prêt à être dégusté.

- Voulez vous chasser encore du poisson ou bien allons faire la fête au troupeau ?

Lune Claire ne se retient pas de rire lorsqu’elle entend l’expression qu’utilise le futur meneur. Elle serait bien contente “d’aller faire la fête au troupeau”, comme dit le mâle gris. Cependant, avant qu’il ne parte en direction du troupeau, Lune Claire s’approche du canidé et, à l’aide de sa patte, elle écrase la sienne en faisant une petite moue mécontente. Elle espère de tout coeur qu’il comprend qu’à vrai dire, elle n’est pas vexée et qu’elle fait cette tronche-là simplement pour s’amuser.

- On vient de pêcher des poissons ensemble, je pense que tu peux te permettre de me tutoyer comme moi je le fais, non ?

Lorsque la meneuse réfléchit, elle remarque qu’elle a toujours tutoyé le mâle. Ce fut presque naturel de dire “tu” à la place de “vous” quand elle lui a adressé la parole pour la première fois. Elle ne voyait pas l’intérêt de l’appeler autrement alors qu’ils sont passé par le même stade et puis, elle se sentait plus libre de parole ainsi. Lune Claire jette un coup d'oeil et elle remarque un troupeau de cerfs en train de mâcher l’herbe, non loin du Lac. Elle tourne son regard vers son collègue, l’air de dire “On y va ?”, les deux canidés sont déjà en position pour chasser ces beaux animaux. Ils se dirigent lentement, doucement, prudemment, vers l’endroit où la troupe de proie se trouve. Ils se séparent, afin d’entourer le troupeau et s’élancent tout d’un coup. Une vague se crée et les deux loups prennent en chasse le dernier du groupe, le moins rapide donc. Cependant, le cerf redouble d’efforts et dépasse le reste de son groupe. La meneuse tente de faire de même et décide de prendre en chasse un autre cerf mais ils sont bien trop rapides, ou alors, c’est elle qui est trop lente ? En tout cas, elle a voulu changer de cible cinq fois de suite et elles lui ont échappé, les cinq fois… Ils ralentissent lorsqu’ils comprennent que le troupeau l’a bien trop distancés pour continuer à lui courir après et Lune Claire se tourne vers le lieutenant. Elle est déçue d’elle même, elle sait qu’elle aurait pu faire mieux et c’est certainement à cause d’elle s’ils n’ont pas eu les proies aujourd’hui. Elle baisse doucement la tête vers le sol.

- Désolé.

D’un rapide coup d’oeil, la magnifique louve noire se rend compte que son nouvel ami secoue la tête, certainement pour contredire ce qu’elle venait tout juste de dire. Lune Claire a beaucoup de qualités, comme beaucoup de défauts. Elle s’excuse souvent pour rien, surtout quand la faute ne vient pas d’elle. Allez savoir pourquoi elle fait cela, c’est certainement dû à un manque de confiance en elle. Et encore, cela s’est calmé avec sa montée de rangs, ce tic se fait de moins en moins présent dans les paroles de la guerrière. Elle remarque aussi, par le même coup d’oeil, que le lieutenant paraît légèrement essoufflé et qu’il a du mal à calmer son rythme cardiaque. Heureusement, la meneuse de la Meute de l’Eau a toujours eu un cardio en béton et, même si elle l’avoue elle-même, que ce n’était pas de tout repos de faire la course à un troupeau, eh bien, depuis qu’ils se sont arrêtés, sa respiration est de nouveau équilibrée.

- Il aurait fallu être plus nombreux. ....Ce n'est de loin ta faute... S'il y doit y avoir un responsable, alors disons que nous y sommes tout les deux pour quelques choses.

La louve sourit doucement face au réconfort que lui porte Solstice d’Hiver. Son défunt compagnon aurait réagi de la même façon et ça la fait devenir nostalgique, se rappelant alors de toutes les parties de chasse qu’ils ont effectués avant qu’il ne meure. Le regard de la meneuse n’est plus axé sur le lieutenant, il dérive légèrement vers la terre et se rempli de larmes. Se remémorer Écaille de Poisson lui fait toujours beaucoup de bien mais aussi beaucoup de mal. D’habitude, elle évite de le faire lorsqu’elle est entourée de monde, visiblement, cette fois, elle n’a pas pu s’en empêcher. Elle secoue la tête, afin de suivre Solstice d’Hiver jusqu’au lac.

- Je... Je suis quand même bien heureux d'avoir put détendre mes pattes. Je n'est pas l'habitude de courir droit. Chez moi, les arbres et les zigzags sont plus mon quotidien.

La louve haut placé se détache de ses souvenirs pour se focaliser sur le présent, plus précisément sur son nouvel ami. Elle sourit, encore une fois et émet un petit soufflement, signe qu’elle est amusée par la blague du lieutenant. Elle se demande alors s’il a remarqué les yeux de la meneuse changer de lueur ? Dans tous les cas, c’est impossible qu’il ait pensé à l’ancien compagnon de Lune Claire. Personne ne le connaissait, à part les membres de la Meute. Il doit imaginer que sa petite déprime vient du fait qu’elle ait loupé leur chasse commune. Elle préfère qu’il croie cela, plutôt que la vérité.

- Lune Claire... Je… Nous devrions rentrer chez nous... Mais... j'aimerai bien chasser à nouveau avec vous, ce fut un agréable moment de détente, quand dîtes-vous hum quand dis-tu ?

Lune Claire se voit mal refuser son offre, surtout après avoir vu le sourire sincère de Solstice d’Hiver. Pour être franche, elle n’a pas du tout envie de lui dire non. Elle apprécie la compagnie du lieutenant et ce n’est certainement pas leurs ancêtres qui leur diront quoi que ce soit : ils sont morts, de toute façon. Elle les respecte énormément mais parfois, elle trouve leur règle quelque peu stricts. La meneuse répond à son sourire et à son offre, de façon positive avant qu’ils ne prennent deux chemins différents afin de rentrer chez eux. Ce fut une étonnante mais agréable journée.