Le soleil se couchait sur le camp alors que Chant du Corbeau entra en son sein . Dans sa mâchoire noire pendait une truite encore humidifiée, non pas par la bave du loup, mais par sa pêche récente. Le guerrier avait passé un long moment à chasser hors du camp et avait enfin ramené sa dernière prise. Derrière lui se tenait sa sœur. La louve grise roche portait également un poisson. Il était légèrement plus petit que son cadet mais semblait tout aussi nourrissant. La petite fratrie rejoignit donc la réserve pour y déposer leur butin puis se sépara. Chant du Corbeau n’avait pas très faim. Il avait passé la journée à réfléchir. À réfléchir sur la meilleure façon de briser leurs liens familiaux. Il n’avait pas l’intention de la réaliser tout de suite, mais son esprit était occupé par cette pensée à chaque fois que ses yeux se posaient sur Griffe de Roche. Il sentait son cœur battre plus fort, ses muscles tendres et ses poils s’hérisser. Heureusement, il était préparé à cela et arrivait malgré tout à garder son calme, mais pour cette raison il ne préférait pas manger en sa compagnie. Il feignit la fatigue pour se retirer sans qu’elle ne pose de questions. À son approche de l’antre des guerriers, il jeta un dernier regard à sa sœur qui lui répondit par un sourire chaleureux. « Elle peut bien vivre quelques jours de plus » se murmura-t-il à lui-même. Il lui répondit par le même sourire avant de se glisser dans le noir l’abri. Ses yeux s’habituèrent vite à la pénombre. Son corps reconnut l’endroit et semblait plus lourd maintenant qu’il était seul à l’intérieur. La chasse l’avait bien plus fatigué que ce qu’il pouvait penser. « Au moins, je n’aurais pas à faire semblant cette fois ». Il rejoignit sa couche rapidement puis s’allongea face à l’entrer. Alors que ses muscles se détendirent, il sentit le sommeil l’emporter.

La lune avait déjà bien entamé son cycle lorsque Chant du corbeau rouvrit les yeux. La tanière était maintenant pleine, mais personne ne semblait avoir le même problème que lui. La saison chaude était presque fini mais la température qui avait marqué les terres des loups cette année encore était bien présente à ce moment. Le mâle étouffait dans l’antre. La présence de tous ces corps chauds ne faisait qu’augmenter la température de la zone et Chant du corbeau n’aimait pas avoirs chauds. Il se glissa donc dehors. Pas à pas, il évitait les pattes et queues traînantes admirant ses camarades adopter des positions incongrues pour essayer de moins souffrir de cette chaleur. Une fois le museau à l’extérieur il sentit moins l’étouffant atmosphère. Il prit une grande inspiration et fit de même pour l’expiration. La lune était bien visible dans le ciel et au vu du nombre d’étoiles qui ornée la voûte céleste les nuages ne devaient pas être en grand nombre. Chant du corbeau attendait qu’une brise vienne caresser son pelage pour le rafraîchir un peu, mais cette nuit-là, le vent semblait absent. Il faisait très lourd. Le fourbe se dirigea donc vers l’extérieur du camp. Ce dernier se situait non loin de la cascade de saphir et il avait bien l’intention de se tremper les pattes pour refroidir son corps. C’est donc ce qu’il fit. Une fois hors de la maison de la meute, la chaleur continuait de faire tension sur ses épaules. Il rejoignit vite mais silencieusement le ruisseau le plus proche et s’y engouffra. Son pelage entier plongea dans l’eau sombre. Le fourbe préférait rester à un endroit il avait pied. Il était bien plus facile de se déplacer sur le bord. Ses muscles encore endormirent, il n’avait aucune envie de se lancer dans une nage nocturne. Il trempa donc son museau, puis l’entièreté de sa tête. Il la ressortit d’un geste simple puis attendit que l’eau ruisselle entre ses poils. Une fois rafraîchi, il s’ébroua vivement puis reprit la route pour rentrer au camp. En son centre il ralentit le pas. Il laissa l’herbe caresser ses coussinets, l’eau glisser sur ses poils et la lune éclater sa route. Il avança vers le centre de la zone. Puis s’assit. La queue enroulée autour des pattes, il admirait les étoiles en se demandant si elles appréciaient l’acte en cours.

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