Comme on se retrouve!

J'avançais doucement dans les plaines. Aujourd'hui, malgré la mauvaise saison qui approchait à grand pas, il faisait une agréable chaleur. Le ciel était d'un bleu pâle, tendre sans agressivité et le sol était enfin sec sous mes pattes. Depuis combien de temps n'avait t'il pas fait beau sur les terres d'Earth Wolf ? Brouillard... Pluie... Vent... et encore brouillard... Et non pas, voilà trois jours que la température s'était adoucie. Heureusement, je passais ainsi de bonne nuit et cela calmait ma rage qui bouillait en moi. Depuis combien de temps n'avais-je pas de nouvelle ? Ou était donc le clan ?! Rien, toujours rien et voilà que je me retrouvais seule à nouveau. Oh bien sûrs j'aurais pu le prévoir, ils avaient peut-être vu en moi la faiblesse...
Il ne fallait pas que je pense à ça maintenant ! Il faisait beau, et les proies devaient être de sortie !
Bavant déjà à l'idée d'une quelconque proie dans ma gueule, je me rendais près du lac de la Trêve pour voir si quelques bestiaux ne venaient pas s'y abreuver. A l’affût, je marchais la gueule ouverte, humant l'air autour de moi tout en profitant des rayons du soleil sur mon pelage. Un mouvement me fit redresser les oreilles lorsque deux grandes oreilles émergèrent des hautes herbes. Un lièvre.
Prenant la concentration de la chasse, ma position et tout ce qui va avec, je bondissais vers la vive proie. Agile et rapide, le lièvre s'échappa en zigzaguant aussi vite qu'il le pouvait dans la plaine. Je fonçais à toute allure, le rattrapant un peu plus à chaque virage. Je le voyais déjà dans mon ventre. Mais hélas, une douleur me brouilla la vue un instant tandis que je m'écroulais de tout mon long dans l'herbe. Le lièvre en profita pour s'enfuir dans un trou alors que moi, haletante de ma course, je réalisée ce qui c'était passé. Une de mes pattes s'était prise dans un creux de terre, ce qui avait stopper ma course avec fracas.
Me couchant, ma patte gauche me faisait très mal. La peur me submergea à l'idée qu'elle était cassé. Et si je ne pouvais plus jamais marcher de ma vie ? J'étais morte, à coup sûr. J'essayais tout de même de me relever, serrant la mâchoire, ma patte me faisait mal, mais je ne pensais pas qu'elle était cassé. C'était déjà une "bonne nouvelle".
Boitillant tout en pestant contre ma douleur et ce lièvre qui ne souffrirait pas de mes crocs, je quittais la plaine en me demandant bien se que j'allais faire... Bien sûrs, si Ocre Rousse ne m'avait pas abandonnée, elle aurait eu de quoi me soigner, mais maintenant, j'étais à nouveau seule. Comment faisait les solitaires pour se soigner ? Fallait-il que je me rende à la Source aux Solitaires ? Certains pourraient m'aider... Non, c'était trop loin et trop dangereux.
Un pelage noir se dirigeant vers les Rochers aux Loups. Mais, redressant les oreilles à nouveau, ce n'était pas n'importe quel pelage. Une petite silhouette, provenant du territoire du Feu ! Si ne ne me trompais pas, la meute des étoiles m'envoyait de l'aide.
Boitillant vers les Rochers, je grimaçais de temps à autres de douleur. Un léger sourire s'étira sur mes babines en voyant la petite guérisseuse du Feu assise entre les têtes. Dans une autres vies j'aurai trouvé cela complètement fou de m'être liée d'amitié avec une jeune membre du Feu en espace que d'une rencontre. Mais... peut-être étais-ce parce qu’elle n'avait jamais vécu dans la meute lorsque moi-même étant petite. Elle n'avait rien à voir avec le meurtre de ma sœur ni l'accusation de mon frère. La simple idée qu'Espoir Chaotique vive avec Nuage de Nuit me fit grogner.
Essayant de cacher ma douleur, je déclara d'une voix pourtant rauque :

- Bonjour Nuage de Nuit, que... viens-tu faire dans les parages ?

La petite louve n'était pas dupe. Elle avait très bien vue ma douleur, mais que pensais-je ? Elle était guérisseuse après tout...
Hochant la tête en l'écoutant d'une oreille distraite, je fus surprise de voir la surprise et l'inquiétude dans sa voix lorsqu'elle s'écria. Reculant d'un pas, je regardais Nuage de Nuit partir en trombe, la truffe en l'air et le regard concentrée proche des rochers au formes si particulière. Ouvrant grand les yeux, je ne pouvais m'empêcher de sourire d'étonnement devant la vitesse des gestes de la jeune guérisseuse du Feu. En y réfléchissant, moi qui n'avait personne à qui me confié lorsque je m’appelais Nuage d'Eclipse, j'aurais bien aimer vivre à la même époque que la petite guérisseuse. Ses amies avaient de la chance. Moi... Un petit ricanement s’échappa de ma gueule. Qui aurait voulut parler à l'une des trois louveteaux maudits ? Personne. Est-ce que ma vie aurait été différente si j'avais eu de quoi aimer ma meute ?
L'approche de la louve noire me sortie de mes pensées. Elle avait dans la gueule une belle branche de je ne savais quel arbre. Sans se soucier de moi le moins du monde, elle repartit de plus belle, à la recherche d'une autre plante. Je m'étais toujours dis que les guérisseurs avaient ce quelque chose de timbré dans l'esprit.
Un nouveau ricanement, cette fois-ci sincère, s'échappa de ma gueule tandis que je me levé pour rejoindre Nuage de Nuit en boitillant.

- Tu es sûrs que j'ai besoin de tout ça ? demandai-je la mine amusée. Je ne vais pas mourir rassure moi ?

Un regard malicieux traversa mon regard avant une nouvelle grimace de douleur.

J'écoutais Nuage de Nuit avec attention. Je sentais au fond de moi une petite vrille d'énergie qui s'amenuisait au fil de ses paroles. Elles étaient pourtant si vrai... Je notais tout de même dans un coin de ma tête que la louve noire avait gagné en expérience depuis la dernière fois que l'on s'était croisé. Elle avait grandit tout comme sa maturité, c'était un jolie spectacle à suivre.
Un étrange sentiment s'empara de moi en plus de la peur. Il est vrai qu'auparavant ce sujet me faisait dresser le poil, mais maintenant que je n'avais aucune nouvelle d'Oeil du Cyclone, l'idée de n'avoir jamais de portée me chagrina.
Je baissais les yeux s'entend la vive colère contre Ocre Rousse revenir à la charge. En plus de tout ceci, j'étais maintenant en danger de mort, incapable de me défendre.

- Ton mentor a raison... ajoutais-je dans un murmure.

J'hochais la tête pendant qu'elle repartait terminer ses affaires. Je suivais donc le conseil d'une petite guérisseuse de la meute du Feu en allant me mettre dans un coin tranquille à l'abri des courants d'air frais de la saison des feuilles mortes. Cette idée me fit sourire tandis que j'attendais les premiers soins. J'avais eu de la chance de trouver Nuage de Nuit.

Nuage de Nuit semblait avoir fini toutes ses recherches et tandis qu'elle revenait vers moi la gueule pleine, j'observais un mouvement au bord du lac dans le lointain. Je n'arrivais pas à distinguer correctement la silhouette mais elle me paraissait être celle d'un loup. Inconsciemment peut-être je reculais d'un pas tandis que la louve noire me demandait de mâcher des trucs bizarres.
Je plissais les yeux un instant avant de faire confiance à la guérisseuse. Elle aurait voulut me tuer depuis le temps, elle l'aurait fait de bien des manières.
Je prenais donc des feuilles dans ma gueule en faisant une grimace de dégoût.

- Quelle hochreur...

Je mâchais tant bien que mal les plantes avant de regarder la mousse gorgée d'eau avec envie. Nuage de Nuit semblait savoir se qu'elle faisait. Décidément, cette petite semblait bien mûrs pour son âge, cela faisait plaisir à voir. Une fois les feuilles amers avalée, j'attendais la suite. La guérisseuse m'avait préparé un bandage et maintenant, je prenais enfin conscience des événements de la journée. J'avais le ventre vide. J'étais loin de la Corbeautière car même si j'y vivais seul pour le moment s'était un endroit chaud et sec. J'étais sans défense et vulnérable. La peur s'empara enfin de moi.

- Comment je vais faire, ça ne va pas durer trop longtemps si ? Quand je ne bouge pas je n'ai pas mal, il faut bien que je chasse et que je me déplace et...

Je respirais un coup paniqué. Inspirant, fermant les yeux, j'essayais de me calmer.

- Mer... merci en tout cas, Nuage de Nuit. C'est très gentil.

Je baissais les yeux vers le travail de la guérisseuse. Je me sentais fatigué tout à coup.

Je ricanais bêtement devant les propos de la louve noire. Sa franchise et sa naïveté me faisait marrer. Chasser pour moi ? Il y a quelques lunes, voilà qu'il me semblait avoir trouver une famille, une nouvelle meute en qui je pouvais avoir confiance. Avec quoi je pouvais m'endormir sereinement la nuit sans penser à rien d'autre qu'à un horizon plus claire depuis mon exil. Mais non, ils étaient partis je ne savais où sans laisser de trace. Et maintenant que j'avais besoin d'eux, j'étais à nouveau seule dans la mouise jusqu'à la croupe.
Puis, la dernière phrase de Nuage de Nuit me fit dresser les oreilles. La petite baissa soudain la tête. Je pouvais sentir une certaine culpabilité jusque dans ma peau.

- Hééé, je ne veux pas t'attirer d'ennuie !dis-je en lui donnant une petite bourrade affectueuse avec ma patte valide.
T'en fais pas pour moi.
Je levais les yeux vers le ciel en marmonnant presque.

- La vie m'en réserve encore, le nombre de fois ou la mort aurait pu me prendre et que la vie en a décidée autrement...

Je lançais un petit sourire vers la guérisseuse.

- Si ta meute apprend ce que tu fais et a qui tu fais ça, certains vont te mener la vie dure et je ne veux pas gâcher la vie d'un autre que moi-même. Tu comprends ?

Je plongeais mon regard dans celui de la louve.

- Après... un peu de compagnie de ta part ne me fera pas de mal, je l'avoue !

Je rigolais gauchement en serrant les mâchoires. J'étais effrayées de mes jours qui allaient suivre.

La guérisseuse semblait plongé dans des réflexions à mon sujet. Pensait-elle que je n'allais pas survivre ? Que j'allais mourir ainsi, seule ? Comment cette journée avait pu autant se compliquer et même devenir une longue plainte d'angoisse ? La dernière fois que je m'étais sentie ainsi, c'était le jour de mon bannissement, de mon exil de l'abandon et de l'injustice de cette meute du Feu. Cette meute du Feu de mon époque avait-elle changé ? Je commençais à me poser des questions à ce sujet. J'avais l'impression, du moins, en voyant cette petite Nuage de Nuit si prometteuse, avoir un sentiment autre que de la haine envers cette meute. Je savais que si je voulais avoir une paix totale, je devais le revoir, mon frère. Je le savais bien maintenant et cette idée me fascinais et m'effrayais à la fois.

Revenant à la réalité, Nuage de Nui semblait elle aussi parti dans des souvenirs lointain. Un temps plus tard, la louve noire ayant reprit une certaine lucidité reprit à nouveau la parole alors que je sentais quelque chose se passer sur ma patte. La chaleur de mon entorse commençait déjà à s'affaiblir. Est-ce que réellement ces plantes que les guérisseurs utilisés fonctionnaient ?

Reportant mon attention vers elle, je secouais la tête en haussant les épaules. Je me souvenais bien de ma dernière chasse, vu que c'était là ou j'avais rencontrer Toile d'Araignée.

- Deux jours. Mais j'ai déjà tenu bien longtemps sans rien dans le bide.

Je haussais à nouveau les épaules ignorant la petite torsion dans mon estomac.

- Pourquoi ?

Je l'a regardais d'un petit air curieux même si j'avais quelques idées en tête.